La théorie de la vitre brisée

Rédigé le 04/06/2020
La Rédaction


Voici une expérience en psychologie sociale, qui donne à réfléchir. Nous sommes en 1969 à l’Université de Stanford (USA) ; le professeur Philip Zimbardo vient de laisser deux voitures absolument identiques abandonnées dans la rue. La première dans le Bronx, un quartier pauvre et troublé de New York et la deuxième, à Palo Alto, un quartier chic et calme en Californie.


Comme « prévu », la voiture abandonnée dans le Bronx a été vandalisée et en quelques heures seulement, tout ce qui pouvait être emporté, l’a été, du moteur jusqu’aux au pneus. La voiture abandonnée à Palo Alto, en revanche, est restée intacte. Mais l’expérience ne s’arrête pas là ; au fait, elle ne fait que commencer. Les chercheurs vont alors eux-mêmes briser la vitre du véhicule de Palo Alto. Le résultat est surprenant : le même processus que celui du Bronx est alors immédiatement enclenché ; vol, vandalisme et réduction du véhicule à l’état d’épave.


Quels enseignements cette expérience nous transmett- elle ?

Et comment la vitre brisée d’une voiture garée dans un quartier dit « riche, chic et sécurisé », enclenchet- elle un processus à ce point délictueux ?


La vitre brisée transmet un message fort : celui de négligence, de décadence et de désintérêt ; l’impression d’absence de lois, de valeurs, voire d’autorité.

Chaque nouvelle attaque subie par l’automobile réaffirme cette idée et multiplie donc les attaques, jusqu’à ce que l’escalade des événements devienne incontrôlable.

L’expérience établit que la criminalité va être « naturellement » d’autant plus élevée dans une zone, que la négligence, la saleté et le désordre y seront apparents.

Dans la rue, à l’intérieur d’un immeuble au sein même de notre famille, si les premiers signes de détérioration ne sont pas rapidement adressés, il est probable que d’autres suivent très vite.

L’incivisme des uns, est « justifié » par l’incivisme des autres. Le stationnement dans un lieu interdit, des déchets jetés dans un parc, le dépassement de la vitesse limite ou l’irrespect d’un feu rouge, font rapidement effet boule de neige s’ils ne sont pas sanctionnés, et peuvent se développer en un chaos total.

Au-delà de la sanction, cette théorie engage les responsables et autorités, qu’ils soient publiques (collectivités, gouvernements,) ou privés (syndics, entreprises…), à vite réagir aux premières détériorations, avant que celles-ci ne soient interprétées comment une autorisation d’en commettre d’autres, et que les lieux ne soient abandonnés par les populations elles-mêmes.

Sur un plan individuel, cette théorie est observable au sein même de nos familles, où un mauvais comportement passé sous silence devient vite une habitude, des écarts alimentaires trop fréquents deviennent le mode adopté, ou encore le manque de rangement ou de nettoyage, qui se transforme en refus absolu d’assumer la responsabilité d’une chambre, d’une table ou d’une cuisine par exemple.

Attention, la théorie de la vitre cassée ne doit pas être pour autant, instrumentalisée à des fins d’autorité et de contrôle sur les autres. Elle a souvent été utilisée pour défendre des postures politiques de tolérance zéro par exemple. À chacun d’en prendre simplement conscience, et d’agir en fonction de ses propres convictions et objectifs.